Principes d'aménagement des cours d'eau

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1.2.3. Mise en regard des outils français et suisses pour la gestion de l’eau

Les politiques française et suisse de gestion des milieux aquatiques se rapprochent à différents égards, dont l’échelle de gestion globale et cohérente (le bassin versant) et la mise en place d’une gestion différenciée par tronçons. De même, les deux États encouragent la dynamique naturelle des cours d’eau par différentes mesures en faveur de la restauration d’un espace de mobilité.
 

1.2.3.1.  Des outils aux objectifs différents mais en voie de rapprochement
 
Elles se différencient néanmoins par les outils mis en place et par leurs objectifs. Les SDAGE et SAGE français mettent en avant la préservation de la qualité des milieux et une gestion équilibrée de la ressource en eau depuis de nombreuses années, ce qui dénote une volonté de donner la priorité à la protection de l’environnement. Cette volonté fut en revanche moins explicite, jusqu’au début de l’année 2011, dans l’outil SPAGE, pour lequel les objectifs premiers de gestion des cours d’eau sont clairement orientés à des fins de protection des biens et des personnes contre les crues.
 
Début 2011, des modifications apportées aux lois sur la protection des eaux, sur l’aménagement des cours d’eau, sur l’énergie et sur le droit foncier rural sont entrées en vigueur. Ces nouvelles dispositions fédérales démontrent une volonté d’aménager les cours d’eau en vue de revenir à un niveau proche de l’état naturel (revitalisations, espace réservé aux eaux). Dans son rapport sur l’environnement, l’OFEV (2011) estime que ces nouvelles dispositions encouragent la revitalisation des cours d’eau dans le but de rétablir leurs fonctions naturelles, de renforcer leur rôle social et de réduire les effets négatifs sur l’environnement causés par l’utilisation de la force hydraulique (régime d’éclusées, obstacle à la migration des poissons et perturbation du régime de charriage).
 
Il s’agit ainsi de deux visions qui ne sont pas incompatibles mais qui ont néanmoins longtemps relevé de paradigmes et de problématiques différentes. Elles tendent pourtant à se rapprocher depuis quelques années.
 
 
1.2.3.2.  Une approche participative historiquement moins développée en Suisse…
 
Par ailleurs, la loi française, fortement liée à la DCE, impose la consultation du public et de l’ensemble des acteurs du territoire lors de l’élaboration du SDAGE et des SAGE à travers les Comités de bassin et les Commissions locales de l’eau (CLE), composés d’élus, d’usagers de l’eau (agriculteurs, industriels, particuliers, etc.) et de représentants de l’État. La politique de gestion des milieux aquatiques était ainsi davantage participative du côté français que du côté suisse qui donnait davantage de prérogatives à la Confédération et aux services cantonaux.
 
De son côté, en effet, la Confédération helvétique n’imposait aucune démarche participative. Encouragée ces dernières années par un taux de subventionnement supplémentaire, la gestion participative se développe aujourd’hui en Suisse avec l’instauration de la nouvelle politique fédérale de subventionnement pour la revitalisation des eaux. Celle-ci impose désormais une approche participative dans tout projet de revitalisation.
 
 
1.2.3.3.  … mais des cours d’eau mieux pris en compte par les outils d’aménagement du territoire
 
L’un des grands avantages de la politique de gestion suisse est l’intégration de la dimension « cours d’eau et milieux aquatiques » dans sa politique d’aménagement du territoire, au moyen d’outils plus larges et complémentaires au SPAGE, et qui tiennent compte de la protection de la nature et du paysage autant que des besoins de la collectivité et de l’économie.
 
La Confédération fixe les principes généraux pour les autorités cantonales. Celles-ci doivent définir l’espace réservé aux eaux sur l’ensemble de leurs cours d’eau pour les inscrire dans :
le plan directeur cantonal, instrument central de planification de l’aménagement du territoire, qui propose une gestion locale ;
les plans d’affectation communaux (équivalents des Plans locaux d’urbanisme français : PLU) qui fixent les utilisations admissibles du sol et garantissent un espace réservé aux eaux à l’échelle parcellaire (fig. 8).
 
La revitalisation des cours d’eau constitue un enjeu fort de la politique suisse. Cette préoccupation se traduit par la réalisation de planifications cantonales de revitalisation qui priorisent et définissent globalement les actions de restauration sur une période de 20 ans (mise à jour tous les 12 ans), ceci sur une durée totale de 80 ans. Une procédure clairement établie garantit que les revitalisations seront faites là où elles auront le plus d’effets.
 
La Suisse se distingue ainsi largement de la France qui peine à intégrer efficacement ces aspects dans ses outils d’aménagement du territoire tels que les Schémas de cohérence territoriale (SCOT).