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5. Conclusion : du bon usage du génie végétal
Le génie végétal n’est pas un but en soi. Il est un outil à disposition du gestionnaire et non pas un concept d’aménagement.
Grâce à un grand nombre de solutions techniques, il offre une grande souplesse d’utilisation et peut donc faire l’objet de nombreuses applications aux objectifs variés (endiguement, restauration de niveaux R1, R2, R3 – fig. 4, chap. I.3.1). Ainsi, même s’il peut être utilisé à des fins de protection pure et simple (crues, érosion), il intervient néanmoins au service d’une logique d’aménagement durable du territoire donnant la priorité au respect de l’environnement et à la préservation des milieux aquatiques.
Le génie végétal en berge de cours d’eau n’est pas une simple action de « verdissement » et d’intégration paysagère. Il s’agit véritablement d’une construction basée sur des matériaux vivants, s’inspirant des modèles naturels et répondant à des critères techniques et mécaniques exigeants (Adam et al. 2008). L’objectif est bien de fixer et de stabiliser la berge, et toute autre utilisation de ces techniques ne relèverait pas du génie végétal mais d’aménagement paysager.
Dans le cadre de travaux sécuritaires de protection contre les crues et/ou contre l’érosion, le génie végétal constitue une alternative intéressante à des techniques minérales issues du génie civil. Il est en général préférable de laisser divaguer le cours d’eau lorsque le contexte le permet. Son utilisation est ainsi parfois un « pis-aller » lorsqu’il n’est pas possible de faire autrement que d’intervenir pour protéger une berge. Les politiques publiques le considèrent comme un outil permettant de diminuer l’impact environnemental de la protection.
Mais il est également un outil particulièrement efficace au service d’objectifs environnementaux de restauration des cours d’eau, bien au-delà de son seul intérêt paysager. Il constitue l’un des outils de base en vue de diversifier les milieux tout en encadrant la mobilité latérale du lit mineur lorsque cela s’avère nécessaire.
Quel que soit son champ d’application (restauration ou protection), la réussite d’un ouvrage de génie végétal ne se mesure pas uniquement par des aspects techniques. Certes, une protection efficace des biens et des personnes contre les problèmes d’érosion constitue l’un des indicateurs de cette réussite. Mais l’intégration de l’ouvrage à son milieu récepteur sur le plan écologique doit être optimale. Adam (2008) estime qu’un ouvrage n’est réellement réussi que si « le milieu récepteur […] acquiert des potentialités et des valeurs écologiques supérieures à [l’état] initial et […] à ce qu’un ouvrage classique aurait pu apporter ».
Au-delà de son champ d’application, la question du recours au génie végétal s’intègre au sein d’une problématique plus large d’aménagement durable du territoire à l’échelle du bassin versant. La question de la place laissée au cours d’eau, à sa dynamique latérale et à ses débordements est l’un des éléments fondamentaux pour un projet de territoire cohérent et une gestion globale, conciliant activités humaines et préservation d’espaces naturels ou semi-naturels.
Comme on l’a vu précédemment, la préservation ou la création d’un espace de mobilité réservé au cours d’eau constitue un enjeu environnemental majeur. Il s’agit d’un moyen efficace de limiter l’incision des rivières et donc l’abaissement des nappes d’accompagnement. Cela contribue par conséquent à préserver l’accès à la ressource en eau. Au-delà des objectifs environnementaux fixés par les politiques publiques, l’existence d’un espace de mobilité participe également à la préservation des enjeux socio-économiques face aux risques d’inondation par la création de zones de rétention temporaire ou d’écrêtement de l’onde de crue en amont des secteurs à enjeu.
Il est ainsi fondamental :
• d’intégrer la problématique de l’érosion de berge dans une logique de territoire tenant compte des enjeux tant socio-économiques qu’environnementaux, à l’échelle globale du bassin versant et du tronçon de cours d’eau ;
• de considérer la création d’une protection contre l’érosion comme un dernier recours et non comme une solution systématique d’aménagement ;
• de privilégier des travaux de restauration de cours d’eau ambitieux intégrant l’objectif de constitution (ou de préservation) d’un espace de mobilité ;
• de privilégier le recours aux ouvrages de protection de berge aux seuls cas où il est indispensable d’intervenir.
• d’intégrer la problématique de l’érosion de berge dans une logique de territoire tenant compte des enjeux tant socio-économiques qu’environnementaux, à l’échelle globale du bassin versant et du tronçon de cours d’eau ;
• de considérer la création d’une protection contre l’érosion comme un dernier recours et non comme une solution systématique d’aménagement ;
• de privilégier des travaux de restauration de cours d’eau ambitieux intégrant l’objectif de constitution (ou de préservation) d’un espace de mobilité ;
• de privilégier le recours aux ouvrages de protection de berge aux seuls cas où il est indispensable d’intervenir.
Si le génie végétal constitue la solution à privilégier lorsque le choix d’aménagement s’oriente vers la protection de berge, il est néanmoins inopportun de l’opposer totalement au génie civil et de rejeter en bloc l’utilisation de ce dernier. Les deux peuvent en effet être complémentaires dans le cadre de techniques mixtes combinant à la fois matériaux vivants et inertes. L’un et l’autre sont bien souvent nécessaires, notamment en rivière de montagne où leur utilisation commune est justifiée par les caractéristiques mêmes des cours d’eau et la présence, à l’état naturel, de blocs de diamètre plus ou moins important (fig. 1). Dans certains contextes, le recours au génie civil pur peut également être justifié, notamment dans le cas de contraintes mécaniques très élevées.
Le choix technique d’aménagement doit s’appuyer sur une démarche logique et pragmatique de conception essentiellement basée sur la pleine compréhension des processus en action et des enjeux à l’échelle du site, mais, plus largement, du tronçon et du bassin versant. Le gestionnaire ne peut en aucun cas se départir d’une telle démarche au risque de certaines désillusions.
La réussite d’un ouvrage de génie végétal est dépendante de nombreux facteurs de natures diverses que le concepteur doit connaître et prendre en compte lors de l’élaboration du projet. Cela nécessite un niveau d’expertise important et fait appel à des connaissances pluridisciplinaires. C’est pourquoi, sans nier la difficulté d’élaboration et de réalisation d’un ouvrage en génie civil, le recours au génie végétal est complexe et nécessite un haut niveau d’expertise ainsi que beaucoup d’expérience.
Les guides techniques sur le génie végétal constituent un appui pour le concepteur et visent à partager une partie des savoirs techniques sur le sujet. Ils ne remplacent néanmoins pas l’expertise et l’expérience mais visent à les compléter. Le présent ouvrage vient en complément d’autres, réalisés précédemment et dont la qualité est indéniable (Lachat 1994 ; Zeh 2007 ; Adam et al. 2008), afin de préciser des éléments spécifiques aux rivières de montagne.
En effet, en présence d’un contexte montagnard, les conditions d’utilisation de végétaux pour la protection de berges de cours d’eau diffèrent très largement d’un contexte de plaine. Gestionnaires et scientifiques manquent, encore aujourd’hui, de connaissances concernant la résistance mécanique des ouvrages et des végétaux ou encore le niveau de diversité végétale et animale des différents types d’aménagement, mais également de retours d’expériences. Les prochaines parties visent ainsi à fournir des éléments de connaissance sur ces sujets fondamentaux.
La deuxième partie du présent guide fournit ainsi des bases techniques utiles à la conception d’ouvrages en rivière de montagne, tandis que la troisième partie apporte des éléments de connaissance nécessaires au choix des espèces végétales dans le contexte des Alpes du Nord.