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1.2.1. Des cadres réglementaires et législatifs très différents...
Largement inspirée du système français de gestion de l’eau et des milieux aquatiques mis en place depuis les années 1970, la Directive cadre européenne sur l’eau (DCE), adoptée en 2000, définit le contexte législatif de la politique publique de l’eau de l’Union européenne. Elle fixe un cadre communautaire global qui s’impose au-delà des législations nationales préexistantes et impose aux États membres des efforts importants pour un objectif ambitieux : atteindre le « bon état des milieux aquatiques » en 2015.
Les milieux sont divisés par « masses d’eau souterraines et superficielles » qui doivent répondre d’un bon état chimique, écologique et quantitatif. L’objectif « 2015 » est contraignant, mais des dérogations peuvent toutefois être accordées pour certaines masses d’eau afin de reporter l’échéance à 2021, voire 2027 dans les cas les plus problématiques. L’État français est ainsi soumis à des objectifs de résultats qui déterminent largement sa politique et qui sont traduits par l’intermédiaire de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA : loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 – fig. 8).
En Suisse, la protection de l’eau à l’échelle de la Confédération est inscrite dans la Constitution (art. 74 et, plus précisément, art. 76) qui énonce la base de la législation sur la protection de l’eau (SWGG : Schweizer Wasser- und Gewässerschutzgesetzgebung). La base juridique en matière de gestion de la ressource et des milieux aquatiques diffère néanmoins de la France et de l’Europe par l’absence de législation unique dans ce domaine. Au lieu de cela, un ensemble de lois sectorielles, spécifiques à chaque domaine mais interdépendantes et combinables, ont été édictées sur la base de la Constitution fédérale. Ces lois sectorielles, dont notamment les lois pour la pêche (LFSP), la protection contre les crues et l’aménagement des cours d’eau (LACE), l’utilisation des forces hydrauliques (LFH) ou encore la protection des eaux (LEaux), constituent le fondement de la politique de gestion de l’eau et des milieux aquatiques en Suisse. La loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN, art. 18) vise quant à elle la protection d’espèces animales et végétales et réglemente notamment les zones alluviales et les ripisylves en tant qu’espaces vitaux et espaces de déplacement des espèces.
L’organisation de la gestion intégrée de l’eau en Suisse varie largement selon le canton considéré. Des planifications sectorielles peuvent être mises en œuvre à différentes échelles (régionale, cantonale, bassin versant). Les thématiques choisies diffèrent selon les cantons. Il n’existe donc pas d’organisation générale appliquée à l’échelle nationale, hormis dans certains cas particuliers, tels que la renaturation des eaux (fig. 8). Les cantons sont en effet tenus de planifier et de mettre en œuvre des mesures visant à préserver ou à restaurer l’état naturel des cours d’eau à travers des plans sectoriels de renaturation (revitalisation, assainissement et utilisation de la force hydraulique). Ceux-ci doivent être mis en place à l’échelle cantonale selon la loi fédérale sur la protection des eaux (LEaux) et être soumis à la Confédération d’ici fin 2013 pour adoption avant fin 2014.
Tous les plans sectoriels ne sont pas intégrés dans les plans directeurs cantonaux. Hormis les plans sectoriels prévus spécifiquement par la LEaux dans le cadre de la thématique de renaturation des eaux, il ne s’agit pas d’une exigence pour les autres plans sectoriels (fig. 8). La pratique, là aussi, diffère d’un canton à l’autre.
S’insérant dans le cadre fixé au niveau national, les lois cantonales viennent spécifier et compléter certaines thématiques, d’une manière qui varie d’un canton à l’autre. Ainsi, elles sont parfois subdivisées en thématiques plus précises, comme, par exemple, dans le canton de Vaud, les lois cantonales sur l’aménagement des cours d’eau, sur la distribution de l’eau ou sur la police des eaux du canton.
Bien que ne faisant pas partie de l’Union européenne, la Suisse joue un rôle majeur dans la gestion des cours d’eau en Europe, du fait notamment de sa situation géographique à la source de deux grands fleuves, le Rhône et le Rhin. Plusieurs conventions transfrontalières ont été mises en place afin d’assurer un juste équilibre dans le partage des eaux, à l’exemple, entre autres, de la convention franco-suisse instaurée en 1962 pour le maintien et la restauration d’une qualité écologique de l’eau et des milieux aquatiques du Léman (Commission internationale pour la protection des eaux du Léman – CIPEL).
Certaines orientations politiques actuelles telles que la récente révision de l’ordonnance sur la protection des eaux (OEaux), entrée en vigueur le 1er juin 2011, tendent à rapprocher la législation suisse de la DCE.