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2.1.3. Typologie des rivières de montagne
La diversité des paysages torrentiels est grande et témoigne de la complexité des processus naturels qui gouvernent la morphologie des rivières de montagne. Certains torrents prennent l’allure de grandes plaines de graviers arides au sein desquelles serpente un mince filet d’eau. Pour d’autres, l’eau jaillit entre de gros rochers en formant des successions de petites cascades et de piscines naturelles. Malgré leur complexité, il est possible de distinguer quelques règles dans l’organisation spatiale des paysages torrentiels. La plus évidente est celle qui consiste à ordonner les formes de l’amont vers l’aval en fonction des processus d’érosion, de transport et de dépôt des sédiments (Montgomery et Buffington 1997 – fig. 5).
La zone de production, située à l’amont, a pour caractéristique principale de produire les sédiments que la rivière utilise pour bâtir son lit et façonner sa plaine alluviale. Elle regroupe l’ensemble des ravins et des têtes de bassin qui fonctionnent un peu à l’image des condensateurs électriques : ils accumulent de l’énergie sur de longues périodes sous forme d’apports sédimentaires depuis les versants, puis ils se purgent brutalement lors d’épisodes pluvieux suffisamment intenses pour déclencher des coulées de débris. Lorsque ces chenaux sont en phase d’accumulation, leur lit est encombré de débris de toutes tailles qui forment un ensemble d’allure chaotique. Après le passage des coulées se forme un lit en U décapé qui laisse souvent apparaître la roche-mère dans le fond du lit. Ce sont les lits rocheux (fig. 6). Ces formes sont typiques des branches les plus reculées du réseau hydrographique.
En aval de la zone de production, se trouve la zone de transport. C’est ici que se forment la majorité des lits à blocs, souvent organisés en alternances plus ou moins régulières de marches et de fosses de surcreusement (fig. 7a). Ce sont les step-pool (littéralement « marche-cuvette », que l’on peut traduire par « lit en marche d’escalier »), forme emblématique des petites rivières de montagne. La présence de blocs et de gros cailloux en surface confère au lit un aspect chaotique et génère un écoulement très turbulent. Cette forte rugosité du lit entraîne d’importantes déperditions d’énergie, ce qui conduit à les interpréter comme des formes de cours d’eau ajustées à de très fortes capacités de transport solide, bien supérieures à la fourniture sédimentaire réelle. Autrement dit, la puissance de la rivière (liée au produit de la pente et du débit) étant supérieure à la charge sédimentaire à transporter, la morphologie s’ajuste de façon à consommer la puissance excédentaire en augmentant la résistance à l’écoulement.
En progressant leur parcours vers l’aval, les matériaux arrivent progressivement à la zone de dépôt, où les pentes sont plus faibles mais où les surfaces drainées augmentent. La situation s’inverse et, cette fois-ci, la puissance du cours d’eau est insuffisante pour mobiliser toute la charge sédimentaire qui provient de l’amont. Ceci se traduit par la formation de stocks sédimentaires dans les lits et par l’apparition de styles morphologiques spécifiques. Ce sont les bancs alternes et les lits en tresses, qui se forment par élargissement du lit et démultiplication des chenaux en eau dans de grandes plaines de graviers mobiles (fig. 7b). Ces paysages se forment par accumulations successives de vagues sédimentaires en provenance de l’amont et sont typiques des zones de piémont.