Principes d'aménagement des cours d'eau

Une attention particulière doit être portée aux fluctuations verticales des lits fluviaux, notamment lorsqu’il s’agit d’implanter des ouvrages de protection de berge. Ces fluctuations peuvent provoquer la ruine de l’ouvrage par déchaussement, et inversement, la stabilisation des berges peut dans certains cas amplifier une tendance lourde à l’enfoncement du lit par diminution de la fourniture sédimentaire. L’érosion des berges participe en effet à la recharge sédimentaire des lits et donc à l’équilibre morphologique du système.
 
Fig. 3 - Exemple de respiration du lit mesurée sur un petit torrent du Diois (la Barnavette), entre 1997 et 2002, au droit d’une section en travers sur un tronçon divaguant (Liébault 2003).On distingue deux grands types de fluctuations verticales en fonction des échelles de temps auxquelles elles se produisent. Les fluctuations sur des pas de temps courts, typiquement à l’échelle de la crue ou de la saison, sont gouvernées par des déséquilibres provisoires du transport solide. On parle parfois de respiration du lit, ce dernier passant par des phases courtes de stockage et déstockage, qui se compensent mutuellement (fig. 3). Dans les rivières de montagne, toujours proches des sources sédimentaires (érosion des versants), cette respiration traduit l’irrégularité de l’alimentation solide depuis les versants. Il faut donc imaginer la propagation de petites vagues sédimentaires depuis l’amont, dont le passage en une section donnée se traduit par un cycle dépôt-reprise. Le lit va s’engraver lorsque la vague se dépose, puis se creuser lorsque ces matériaux vont transiter vers l’aval. Ces phénomènes se retrouvent plus en aval lors de la migration de macroformes sédimentaires (vague de plus grande ampleur). Ils traduisent également le caractère très discontinu du charriage, les particules étant généralement déplacées sur des distances relativement courtes (typiquement quelques centaines de mètres pendant un épisode de crue).
 
Fig. 4 - Incision du lit sous l’effet du reboisement (phase I) et des extractions de graviers (phase II) pour le Po et l’Arno en Italie (Surian et Rinaldi 2003).Des fluctuations verticales peuvent aussi se produire sur des pas de temps longs (décennaux voire séculaires). Dans ce cas, elles traduisent les modifications du régime sédimentaire du bassin versant, défini comme le différentiel entre les entrées et les sorties solides. Lorsque le régime est en équilibre, les fluctuations se compensent et l’altitude moyenne du lit reste stable. Lorsque le régime est excédentaire (entrées > sorties), le lit s’engrave de manière durable. On parlera alors d’exhaussement. Ceci se traduit souvent par une expansion latérale de la bande active et par l’amplification du tressage. Inversement, lorsque le régime est déficitaire (entrées < sorties), le lit s’enfonce et on parle d’incision. Ces tendances s’analysent à partir de données historiques (anciens levés topographiques) et elles permettent de replacer l’état actuel dans la trajectoire morphologique du système (fig. 4). Sur l’exemple en figure 4, le Po et l’Arno, aux altitudes considérées, ne sont pas des cours d’eau de montagne, mais des rivières de piémont. Néanmoins, les trajectoires présentées sont ici influencées par l’évolution de la production sédimentaire des têtes de bassin.
 
Dans les Alpes françaises, la grande majorité des rivières présentent des régimes déficitaires dus aux extractions de graviers massives des années 1970 et 1980 et de la reconquête forestière planifiée (travaux RTM : restauration des terrains en montagne, etc.) et spontanée des versants (Bravard 1991 ; Liébault et al. 2005). Ceci se traduit par une incision accélérée, qui peut atteindre près de 10 mètres à l’échelle du siècle en valeur maximum (Peiry et al. 1994).