Principes d'aménagement des cours d'eau

La position des partenaires techniques et financiers français en matière de protection de berges a évolué depuis plusieurs années. Ainsi, si les Agences de l’eau ont financé des ouvrages de protection au cours des dernières décennies, que ce soit en génie civil dans un premier temps, ou en génie végétal dans un second temps, elles ne s’engagent plus aujourd’hui financièrement sur des chantiers concernant la protection des berges face à l’érosion. Néanmoins, elles participent indirectement à cette mission en subventionnant les opérations de restauration hydromorphologique qui intègrent souvent des techniques de génie végétal. Les projets d’aménagement de protection en génie civil, quant à eux, ne bénéficient plus d’aucune subvention.
 
Les partenaires techniques et financiers français mènent, à l’instar de la Région Rhône-Alpes, une politique de non-intervention en matière de protection de berges et mettent en avant le maintien et/ou la création d’un espace de mobilité des cours d’eau. Le SDAGE Rhône-Méditerranée préconise néanmoins des mesures de protection contre l’érosion latérale lorsque celles-ci sont justifiées par la protection des populations et des ouvrages existants. Il stipule également que « lorsque la protection est justifiée, des solutions d’aménagement les plus intégrées possible sont recherchées en utilisant notamment les techniques du génie écologique » (SDAGE RM 2009).
 
Le point de vue de la législation suisse diffère par certains aspects, même si la tendance générale s’oriente également vers la renaturation voire la revitalisation des cours d’eau. Si l’objectif prioritaire de la loi sur l’aménagement des cours d’eau (LACE) est la protection des biens et des personnes contre les crues (art. 1), cette même loi ne recommande pas d’intervention systématique. En effet, face à tout problème engendré par les crues, elle préconise prioritairement des mesures relevant de l’entretien ou de la planification territoriale. Si ces deux types de mesures ne peuvent donner satisfaction, il est alors possible de mettre en œuvre des mesures structurelles relevant de l’aménagement. Cette priorisation permet ainsi de minimiser les impacts physiques sur le cours d’eau.
 
Par ailleurs, lors de toute intervention sur un cours d’eau, le tracé naturel doit être respecté voire reconstitué, les interactions avec la nappe phréatique ne doivent pas être perturbées, et les conditions doivent être offertes pour favoriser le développement d’une flore et d’une faune typiques et diversifiées (LEaux, art. 37 ; LACE, art. 4). Or, même s’il n’est pas cité, le génie végétal contribue dans une large mesure à satisfaire à ces conditions lors d’interventions physiques.
 
Cependant, les techniques en génie civil peuvent être utilisées dans des contextes très précis (sécurisation des agglomérations et voies de communication) et subventionnées en partie par la Confédération. Le rapport explicatif se rapportant à l’ordonnance sur la protection des eaux (OEaux) indique que des « mesures pour empêcher l’érosion naturelle de la berge du cours d’eau ne sont admissibles dans l’espace réservé aux eaux que si elles sont indispensables pour assurer la protection contre les crues ou empêcher une perte disproportionnée de surface agricole utile ». Ce dernier point constitue une divergence légale entre les politiques suisse et française.
 
Certains cantons ont tout particulièrement cherché, ces dernières années, à favoriser les techniques en génie végétal en raison de leur sensibilité écologique. Les cantons de Genève, Zurich ou Berne, par exemple, ont été les pionniers dans l’utilisation de ces techniques pour la renaturation de cours d’eau de plaine.
 
En France, l’utilisation de techniques de génie végétal pour la protection des berges n’est pas soumise à autorisation ou à déclaration. En effet, la rubrique 3.1.4.0 de la nomenclature « Loi sur l’eau » exclut les techniques exclusivement végétales. Les ouvrages de protection de berge faisant appel aux techniques de génie civil ou aux techniques mixtes, ainsi que les digues de protection contre les inondations, sont quant à eux soumis à autorisation ou déclaration depuis les modifications de la nomenclature « Loi sur l’eau » de 2002 (arrêté du 13 février 2002, art. 6). Il s’agit d’une évolution cruciale de la loi qui impose notamment, pour tout projet concerné, une étude d’impact ou d’incidence, avec définition de mesures compensatoires. Cette évolution favorise ainsi l’utilisation de techniques végétales.
 
Le génie végétal est considéré par les politiques publiques française et suisse comme un outil à part entière pour la restauration et la renaturation des cours d’eau, mais ne constitue pas une fin en soi. Les politiques publiques restent ainsi vigilantes concernant l’utilisation du génie végétal afin qu’il ne constitue pas la justification à des projets d’aménagement qui pourraient avoir un impact négatif sur les milieux et les fonctionnalités écologiques des cours d’eau. Il est donc bel et bien considéré comme une ingénierie au service de la protection et de l’environnement et non comme une simple caution écologique ou un « verdissement ».
 
Notons enfin que d’autres pans des législations européenne, française et suisse encadrent la mise en œuvre du génie végétal, comme, par exemple, les réglementations sur la production et la commercialisation des graines, semences, plants ou parties de plants (chap. III.3.2.3), le statut de protection des espèces, les installations de chantiers, les possibilités de défrichement et d’intervention dans le lit mineur, etc. Autant de réglementations qui peuvent influer sur le développement du génie végétal, en montagne notamment.