Guide des espèces

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2.2.1. Aulnaies-saulaies arbustives des versants frais et bords de ruisseaux (Alnion viridis)

Fig. 15 - Aulnaie verte se développant au sein d’un versant ombragé (Alnetum viridis).Ces formations arbustives se développent préférentiellement sur les versants ombragés longuement enneigés (fig. 15), dans les couloirs d’avalanches ou aux abords des torrents sur des berges souvent escarpées. Le plus souvent non alluviales, ces formations sont néanmoins fréquemment soumises à des perturbations mécaniques (accumulation de neige, avalanches, éboulements, etc.) qui éprouvent la résistance des arbustes et arbrisseaux constituants. Si l’aulne vert (Alnus viridis) endure les chocs par la souplesse de ses tiges, le saule appendiculé (Salix appendiculata) possède une aptitude élevée à rejeter de souche, ce qui lui permet de se régénérer rapidement.
 
Le sol frais, légèrement humide et ombragé, ne possède pas de nappe en profondeur. Il permet le développement de nombreuses espèces mésohygrophiles de mégaphorbiaies comme l’adénostyle à feuilles d’alliaire, l’angélique (Angelica sylvestris), l’impératoire, le vératre (Veratrum album) ou encore la canche cespiteuse.
 
Fig. 16 - Zonation transversale de la végétation sur substratum silicaté grossier à l’étage subalpin supérieur des Alpes pennines suisses (Suisse - Valais) : (a) sur un cours d’eau encaissé ; (b) sur un cours d’eau à chenal unique non encaissé. Source : Sartoretti (2009), modifié.Lorsqu’elles sont situées aux abords des torrents de montagne, ces formations sont surélevées de 1 à 2 mètres par rapport au niveau moyen des eaux (fig. 16). Elles sont situées sur des berges qui s’appuient sur une assise de blocs tolérant des forces tractrices trop élevées pour les végétaux. Elles ne sont qu’occasionnellement submergées par les crues.
 
Sur les secteurs les moins pentus, ces formations ne sont que temporaires et constituent les premiers stades de la recolonisation forestière, s’insérant alors dans les séries de la pessière subalpine ou de la hêtraie à érables. Elles sont en revanche climaciques sur les versants les plus escarpés ou à l’aplomb des falaises où la fréquence des perturbations contrecarre l’implantation forestière.
 
 
2.2.1.1. Saulaies à saule appendiculé (Salicetum appendiculatae)
 
Fig. 17 - Saulaie à saule appendiculé (Salicetum appendiculatae).La saulaie à saule appendiculé est une brousse subalpine pouvant atteindre 5 m de haut (fig. 17). Elle se développe préférentiellement en contrebas des corniches sur des sols caillouteux calcaires pourvus d’une matrice d’argiles ou le long des torrents. Dominée par le saule appendiculé (Salix appendiculata), elle peut s’enrichir de l’alisier nain (Sorbus chamaemespilus), de l’érable sycomore, du sorbier des oiseleurs, voire du cytise des Alpes (Laburnum alpinum). Outre les espèces de mégaphorbiaies, la strate herbacée est riche en espèces des hêtraies telles que la fougère mâle (Dryopteris filix-mas), la mercuriale pérenne (Mercurialis perennis), le sceau de Salomon verticillé (Polygonatum verticillatum), le séneçon ovale (Senecio ovatus) ou la véronique à feuilles d’ortie (Veronica urticifolia). Cette saulaie est régulièrement en contact avec les pelouses fraîches neutro-calcicoles à laiche ferrugineuse (Caricion ferrugineae) auxquelles elle se substitue lorsque les perturbations sont moins fréquentes et l’enneigement moins prolongé.
 
 
2.2.1.2. Aulnaies vertes (Alnetum viridis)
 
Fig. 18 - Aulnaie verte se développant aux abords d’un torrent de montagne.L’aulnaie verte est une formation dense facilement reconnaissable aux bosquets à tiges arquées de l’aulne vert (fig. 18). Elle peut s’enrichir des saules appendiculé et hasté (Salix hastata), du sureau rouge (Sambucus racemosa) et du sorbier des oiseleurs. Selon la nature du substratum, elle présente deux aspects bien différents. Sur les substrats marneux ou schisteux supportant des sols bruns riches en particules fines et nutriments, la forte rétention en eau permet un développement luxuriant des espèces de mégaphorbiaies. Sur les substrats silicatés plus grossiers libérant peu de particules fines, le rhododendron ferrugineux (Rhododendron ferrugineum) s’associe à l’aulne vert pour constituer une strate sous-arbustive dense. L’aulnaie verte est régulièrement en contact avec les pelouses subalpines fraîches acido-neutrophiles et les landes à rhododendron ferrugineux (Rhododendretum ferruginei), auxquelles elle se substitue lorsque les perturbations deviennent moins fréquentes ou lorsque la pression de pâturage diminue.
 
L’aulne vert peut parfois s’associer au saule faux daphné pour former des peuplements alluviaux denses à l’étage subalpin inférieur. Ces peuplements, recensés dans le Valais à Gletsch (Roulier 1998) et en Savoie à Bonneval-sur-Arc, se développent au-dessus de la limite supérieure des aulnaies blanches.
 
De par la souplesse de leurs tiges et leur aptitude à rejeter de souche, l’aulne vert et le saule appendiculé présentent un réel potentiel pour le génie végétal, notamment pour la protection des terrains à forte pente soumis à des phénomènes érosifs ou des mouvements de terrain (chap. III.4).
 
Comme dans le cas des aulnaies blanches, la composition de la strate herbacée des aulnaies vertes et des saulaies appendiculées met en exergue l’utilisation possible d’espèces de mégaphorbiaies pour fixer les berges des rivières de montagne (adénostyle à feuilles d’alliaire, épilobe à feuilles étroites et grandes ombellifères).