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3.2.4. Vieillissement des ouvrages
3.2.4.1. Le retour d’expériences Géni’Alp
Dans le cadre du projet Géni’Alp, un retour d’expériences a été mené afin de collecter des informations sur les techniques de protection de berges employées sur des cours d’eau de montagne des Alpes et d’évaluer leur résistance. Il s’est également agi d’analyser les succès et échecs des différentes techniques.
Les sites ont été sélectionnés principalement sur l’Arc alpin, mais aussi dans d’autres massifs, sur des cours d’eau dont la pente est supérieure à 1 %. Treize sites et dix-huit ouvrages en France et en Italie sont ici présentés. Ces ouvrages ont globalement bien « réussi ».
Chaque ouvrage a fait l’objet d’une analyse descriptive et historique, de relevés topographiques, et d’une analyse de la granulométrie du fond du lit.
Une synthèse est proposée sous forme graphique et reprend, pour chaque ouvrage, la pente du lit, la contrainte tractrice pour mettre en mouvement la granulométrie D84, la technique employée et l’année de construction (fig. 15). La contrainte tractrice calculée pour D84 correspond à la contrainte pour laquelle 84 % des matériaux sont mis en mouvement, ce qui veut dire que le lit du cours d’eau est alors profondément remanié. Elle est calculée à partir de l’expression suivante :
Où :
• θ crit = le nombre de Shields critique ;
• g = la pesanteur ;
• ρw = la masse volumique du transport solide ;
• ρ = la masse volumique de l’eau ;
• D84 = le diamètre des grains.
• θ crit = le nombre de Shields critique ;
• g = la pesanteur ;
• ρw = la masse volumique du transport solide ;
• ρ = la masse volumique de l’eau ;
• D84 = le diamètre des grains.
Ce retour d’expériences a mis en évidence que des techniques de génie végétal pur (sans enrochement de pied de berge) et des techniques mixtes (avec enrochement de pied de berge) tiennent depuis 15 à 20 ans sur les berges de cours d’eau ayant des pentes de plus de 2 % et charriant des blocs de grosse dimension. On peut ainsi noter la bonne tenue d’un ouvrage en pure technique végétale (fascine + peigne), réalisé en 1996 par le Saterce (service du Conseil Général de la Savoie) sur l’Isère, près de Bourg-Saint-Maurice (fig. 16).
Des couches de branches à rejets avec enrochement de pied de berge sur des rivières alpines avec des pentes de l’ordre de 2 % résistent depuis une vingtaine d’années en Italie (comme l’ouvrage de Riffiano décrit ci-après, ou celui d’Oulx, chap. II.4.1.5). Ce dernier a déjà résisté à de fortes crues. Ces techniques largement répandues en Italie, notamment sous l’impulsion de F. Florineth, sont toujours utilisées. Elles sont réalisées avec des tiges de gros diamètre qui font souvent de 5 à 10 cm et ne sont pas recouvertes de géotextiles.
On peut également noter un ouvrage intéressant, puisque constitué uniquement de génie végétal (épis en fascines et fascines de pied de berge), sur l’Adour, à Montgaillard (Hautes-Pyrénées - France – chap. II.4.2.2, plus spécifiquement dédié aux différentes techniques de génie végétal utilisables en rivière de montagne).
3.2.4.2. Le cas d’un ouvrage de couches de branches à rejets à Rifiano (Italie)
La Passer est une rivière du Sud Tyrol en Italie. Elle prend sa source à 3 479 m d’altitude à proximité de la frontière austro-italienne. Sur le tronçon étudié, le lit majeur est occupé par des terres agricoles, avec une production intensive de pommes à couteau. Suite à des crues importantes, le gestionnaire a décidé de protéger ces vergers avec des techniques de couches de branches à rejets, combinées avec un enrochement de pied de berge (fig. 17 à 23).
Cet ouvrage datant de 1992 a fait l’objet d’une étude menée par l’Institut für Ingenieurbiologie und Landschaftsbau, visant à analyser le vieillissement des couches de branches (Stangl et Weinbacher 2006).
Les caractéristiques du cours d’eau au droit de l’ouvrage sont données dans le tableau 2.
Tab. 2 - Caractéristiques de la rivière Passer au droit de l’ouvrage.
Pente du profil en long | 1,9 % |
D84 | 279 mm |
Débit de la crue centennale | 13 m3/s |
Altitude | 444 m |
Longueur de l’aménagement | 110 m environ |
Observations de terrain
L’état général de l’ouvrage est bon, même s’il est possible d’apercevoir localement une légère érosion en pied de berge derrière l’enrochement. L’ouvrage s’intègre parfaitement dans le paysage à tel point qu’il est difficile de le déceler autrement que par la présence des enrochements. Les saules ont largement colonisé l’espace. Cependant la renouée du Japon (Reynoutria japonica) et le robinier (Robinia pseudoacacia), deux espèces néophytes à comportement invasif, sont présents en sommet de berge.
Mise en place de l’ouvrage
Comme le montre la figure 18, on peut observer la mise en place de couches de branches à rejets avant la pose de l’enrochement de pied de berge. À noter l’importance du diamètre et de la longueur des branches utilisées. Ces dernières sont de véritables petits arbres. Cependant, il est souvent d’usage d’utiliser du matériel de plus petit diamètre afin de limiter les possibilités d’affouillement entre les branches.
Observations 15 ans après la mise en place
La figure 23 illustre la structure souterraine des couches de branches à rejets. La berge est protégée par une succession de troncs vivants le long de la berge. Chacun de ces troncs est ancré profondément grâce à un système racinaire dense.
L’intérêt de ces trois photos (fig. 20, 21 et 22) et de la figure 23 est de mettre en évidence l’importance de l’ancrage racinaire et de la protection apportée à la berge par les couches de branches, 15 ans après leur installation.
La berge apparaît ainsi protégée par un dense treillis de saules vivants. Ces troncs de saules vivants et couchés sur le sol se succèdent, alignés parallèlement les uns aux autres et perpendiculairement au cours d’eau le long de la berge. Certains de ces troncs affleurant le sol de la berge peuvent atteindre 30 cm de diamètre au bout de 15 ans. Comme on peut le constater sur les photos, ils développent un système racinaire dense et profond qui va protéger le sol et la berge contre l’érosion. La berge est ainsi protégée par une sorte de carapace souple et vivante.
Ces structures végétales vivantes expliquent la forte résistance mécanique à l’érosion, telle qu’elle a été observée (tab. 1).