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3.2.1. Résistance des végétaux à l’écoulement
La conception des ouvrages de génie végétal est largement inspirée des modèles naturels, le principe étant de copier les structures végétales en place, qui résistent à l’érosion. La bonne intégration dans le paysage et les milieux naturels adjacents, et la résistance mécanique de l’ouvrage en découlent en partie. Ces modèles donnent aussi de précieuses indications sur les végétaux à utiliser.
Ces derniers doivent être en mesure de résister aux différentes contraintes exercées par la rivière. Les plantes doivent avoir un système racinaire suffisamment développé pour se maintenir et protéger le sol contre l’érosion. Le port, le développement et la souplesse des tiges aériennes jouent également un rôle important dans la protection de la berge.
Les différentes espèces de saules présentent un caractère pionnier qui se traduit notamment par un besoin accru de lumière et une remarquable tolérance face à des substrats grossiers et peu fertiles… Elles supportent, temporairement, d’être en tout ou partie immergées et ont pour la majeure partie d’entre elles une forte capacité de reprise au bouturage et de régénération après perturbation exceptionnelle. Elles ont, par ailleurs, des systèmes racinaires très développés. L’ensemble de ces caractéristiques les destinent particulièrement aux ouvrages de génie végétal.
Depuis des temps anciens, les concepteurs ont ainsi retenu les saules sous forme de boutures, ramilles, plançons, branches pour construire ou participer à « l’armature » des ouvrages.
Il arrive malgré tout que les sollicitations de la rivière aient raison de la ténacité de ces espèces. Les saules ont ainsi fait l’objet d’études pour mieux appréhender leur comportement face aux forces hydrauliques. L’enjeu de ces recherches est d’améliorer la connaissance sur la résistance des ouvrages face aux contraintes mécaniques exercées par l’eau. L’objectif finalisé de ces travaux est de pouvoir construire des ouvrages plus résistants, ou avec une résistance suffisante, à travers une conception et une maintenance adaptées.
3.2.1.1. Élasticité et rigidité des végétaux
Les différentes strates de végétation présentes sur les berges réagissent différemment face aux crues :
• la strate herbacée, avec une taille faible par rapport au tirant d’eau en crue, est rapidement immergée ;
• les arbustes ont une taille comparable au tirant d’eau en crue et ne sont pas obligatoirement immergés ;
• la strate arborée, dépassant de l’eau, est rarement immergée.
• les arbustes ont une taille comparable au tirant d’eau en crue et ne sont pas obligatoirement immergés ;
• la strate arborée, dépassant de l’eau, est rarement immergée.
Les espèces herbacées se plient rapidement au sol et offrent un écran de protection contre l’érosion, par effet de couverture (fig. 6).
Les arbres ont un comportement rigide. Ils résistent un temps au courant sans trop de dommage. Mais ils engendrent des turbulences locales susceptibles de déstabiliser le sol et les arbres eux-mêmes (fig. 7).
Les arbustes, quant à eux, adoptent un comportement différent selon le diamètre de leurs tiges et de l’espèce considérée. Oplatka (1998) a ainsi réalisé une série d’expériences dans un canal d’étalonnage pour tester le comportement des saules âgés d’environ cinq ans et provenant d’une berge de rivière. Il a ainsi observé qu’avec une augmentation de la vitesse, les saules se plient et leur système caulinaire s’étire et diminue en largeur (fig. 8). Il a estimé la surface exposée au courant et mis en évidence que cette surface diminue d’un facteur 4 à 5 lorsque la vitesse du courant passe de 0 à 1 m.s–1. Entre 3 et 4 m.s–1, la contraction continue mais avec un facteur plus faible. À partir de 5 m.s–1, la contraction atteint une valeur limite.
D’autres expériences ont été menées pour tester l’influence du diamètre des tiges sur la flexibilité des saules et de quelques autres essences rivulaires. (Weitzer-Bruckner 2000).
Les résultats (fig. 9) mettent en évidence un diamètre limite d’environ 5 cm à partir duquel la tige adopte, en rapport avec la sollicitation, un comportement rigide. En dessous de ce diamètre, les tiges possèdent une flexibilité suffisante pour se coucher au sol et limiter l’érosion.
Comment résiste le végétal en cas de crue ? Risque-t-il d’être arraché et emporté par le courant ? Les expérimentations faites sur ce canal artificiel à Vienne ont ainsi apporté des réponses intéressantes quant à la résistance des saules immergés. Dans ce canal, construit dans le lit de la rivière, les chercheurs ont notamment implanté différents types d’ouvrages de génie végétal. En contrôlant le débit et en mesurant la vitesse de l’eau, ils ont développé des connaissances sur la résistance de ces ouvrages face aux crues.
Pour en savoir plus, se référer au site de l’Universität für Bodenkultur Wien (en allemand) :
http://www.baunat.boku.ac.at/8615.html?&L=1
http://www.baunat.boku.ac.at/8615.html?&L=1
Notons aussi qu’une fois couchés, les arbustes immergés offrent une résistance à l’écoulement grâce à l’effet de peigne engendré par leurs branchages (tiges et feuilles). Ils ralentissent l’écoulement à proximité de la berge, ce qui favorise les dépôts sédimentaires.
3.2.1.2. Résistance des végétaux à la force d’arrachement
Les premières années de vie d’un aménagement en génie végétal sont déterminantes pour sa longévité. Les végétaux ne sont alors pas totalement implantés et la résistance mécanique de l’ouvrage n’a pas atteint son optimum. C’est une des raisons pour laquelle des matériaux non vivants (géotextiles, pieux, blocs) sont le plus souvent associés dans les aménagements.
Force du courant et arrachement des saules
La force de traînée peut être estimée à partir de la formule de Newton (Oplatka 1998) :
Où :
• Sw = la force de traînée (N) ;
• ρw = la masse volumique de l’eau (kg.m–3) ;
• Cd = le coefficient de résistance (-) ;
• A = la surface d’application de la force sur le végétal (m2) ;
• v = la vitesse d’écoulement (m.s–1).
• Sw = la force de traînée (N) ;
• ρw = la masse volumique de l’eau (kg.m–3) ;
• Cd = le coefficient de résistance (-) ;
• A = la surface d’application de la force sur le végétal (m2) ;
• v = la vitesse d’écoulement (m.s–1).
Le coefficient de résistance Cd est considéré comme constant, égal à 0,6, à partir d’une vitesse d’écoulement de 0,55 m.s–1 (Vollsinger et al. 2005, dans Stone et al. In press).
En réaction à cet effort, un couple résistant MR et une force de résistance à l’arrachement R apparaissent au niveau du système racinaire (fig. 12).
La résistance des végétaux à l’arrachement a fait l’objet d’expérimentations menées par Vollsinger et al. (2000) sur différentes espèces de saules âgés de 2 à 5 ans. L’expérience met notamment en évidence une différence de résistance entre les différentes espèces végétales. Il est important de noter que cette résistance est, dans tous les cas, 5 à 10 fois supérieure à la force Sw exercée par le courant (fig. 13).
Ainsi, la force exercée par le courant sur le végétal ne peut pas, à elle seule, arracher un arbuste. Lorsque le végétal est emporté avec son système racinaire, c’est généralement suite aux actions combinées d’un affouillement localisé, du transport solide et du courant. Un ouvrage de génie végétal ne cède pas à cause de l’arrachement par la force du courant sur la partie aérienne des végétaux, mais par érosion interne du substrat en lien avec les parties racinaires des plantes.
Résistance au transport solide
On considère ici le transport solide comme le déplacement de particules (argiles, limons, sables, graviers, galets et blocs) dans les cours d’eau, pouvant s’effectuer soit par suspension, soit par déplacement sur le fond du lit du fait des forces tractrices liées au courant (on parle dans ce dernier cas de charriage). On exclut donc ici les torrents à lave.
Le transport solide (surtout le charriage) est certainement le phénomène le plus dangereux pour les végétaux. Il agit comme une bande abrasive occasionnant recouvrements, blessures ou encore cassures de parties aériennes.
Dans les cours d’eau de montagne où le transport solide est plus violent qu’en plaine, le charriage de gros blocs est suffisamment puissant pour casser ou écorcer des troncs d’arbres (fig. 14).