Recueil d'expériences techniques

6.2.2.1.  Biodiversité : génie civil et génie végétal
 
Fig. 3 - Histogramme des nombres moyens d’espèces végétales par rapport au type d’aménagement.Les résultats suivants traduisent les différences qui existent entre les aménagements issus du génie végétal (toutes techniques confondues) et ceux issus du génie civil (enrochements) en terme de diversité taxonomique (fig. 3). On présente ici les moyennes obtenues pour les techniques issues du génie végétal (fascines de pied de berges avec boutures, caissons végétalisés, berges végétalisées avec enrochement de pied de berge) et celles obtenues pour les berges en enrochement.
 
On constate une différence significative, de l’ordre d’un facteur 2, en faveur des aménagements issus du génie végétal. Ceux-ci accueillent en moyenne 29,1 espèces végétales alors que les aménagements issus du génie civil n’accueillent eux que 16,4 espèces végétales.
La nature du substrat des aménagements issus du génie civil (enrochements), peu propice à la colonisation végétale par manque de sol, explique cette différence. 
 
 
6.2.2.2.  Analyse comparative de la diversité floristique entre les différentes techniques d’aménagement et les berges naturelles
 
Fig. 4 - Nombre moyen d’espèces végétales par rapport à la technique d’aménagement de berge.L’analyse comparative, réalisée entre l’ensemble des types de berges échantillonnés, est présentée sous forme d’un histogramme (fig. 4). Cette figure compare les nombres d’espèces végétales entre les différentes techniques d’aménagement (fascines de pied de berge avec boutures, caissons végétalisés, berges végétalisées avec enrochement de pied de berge et enrochement pur) et les berges naturelles. Les berges naturelles échantillonnées dans ce travail sont toutes des saulaies pionnières basses.
 
Des différences significatives apparaissent entre les berges en enrochement pur (14,9 espèces en moyenne) et le reste des techniques d’aménagement qui montrent un nombre d’espèces significativement plus élevé. Les ouvrages issus du génie végétal pur (fascine de saules et caisson végétalisé) ont un nombre d’espèces végétales équivalent (respectivement 25,6 et 23,9) et comparable avec celui des berges naturelles (26,1 espèces). Parmi les berges échantillonnées, la technique qui supporte le plus d’espèces végétales est l’enrochement de pied de berge avec haut de berge végétalisé, avec 35,9 espèces végétales en moyenne. Cette diversité légèrement supérieure s’explique par la présence en pied de berge d’un enrochement constituant une ouverture du milieu. Cette ouverture favorise la colonisation par de nouvelles espèces (rudérales, hélophytes, etc.) en plus de celles plantées ou semées.
 
Fig. 5 - Nombre moyen d’espèces végétales présentes sur l’aménagement relativement à leur position sur la berge. Le transect 1 représente le pied de berge, le 2 la partie médiane et le transect 3 le haut de berge.Le protocole utilisé permet une analyse plus fine des différences de végétation en fonction de la hauteur de berge, la végétation étant structurée par le gradient hygrométrique et la fréquence d’inondation croissants vers le bas. Les résultats sont présentés sous forme d’un histogramme comprenant les trois transects et les types de berges échantillonnées (fig. 5).
 
En ce qui concerne les berges aménagées, c’est pour les fascines que le nombre moyen d’espèces végétales est le plus faible en pied de berge. Cela s’explique par un taux de reprise élevé des fascines de saule installées en pied de berge couplé à des vitesses de croissance élevées. La constitution d’un couvert arbustif dense a pour conséquence d’homogénéiser les habitats représentés et de limiter la capacité d’accueil de nouvelles espèces végétales dans les strates inférieures. Pour les berges aménagées en enrochement et en enrochement de pied de berge avec un haut de berge végétalisé, la présence de zones pionnières en pied de berge limite le recouvrement des espèces arbustives. Les enrochements, situés à l’interface entre le milieu aquatique et les premières boutures, forment une ouverture qui constitue un second front de développement pour les espèces pionnières, colonisatrices néophytes et les hélophytes (Evette et Cavaillé 2011). La situation est comparable pour les caissons végétalisés qui sont généralement appuyés sur une base en enrochement ou en gabion (fig. 6). Cet enrochement de pied de berge au contact de l’eau constitue un nouvel habitat, différent de celui offert par la partie supérieure de la berge où les ligneux (majoritairement les saules) occupent une place prépondérante.
 
Fig. 6 - Caisson végétalisé à Allinges sur le Pamphiot (Haute-Savoie - France).On observe sur les ouvrages de type caisson végétalisé et ceux comprenant des enrochements de pied de berge : 1°) des espèces inféodées aux milieux humides comme, Juncus acutiflorus, Carex pseudocyperus, Phragmites australis ou Humulus lupulus ; 2°) des espèces prairiales comme Holcus mollis ; 3°) des espèces de lisière ou de sous-bois comme Ligustrum vulgare, Hedera helix, Lonicera xylosteum ou Crataegus monogyna ; 4°) des espèces rudérales Urtica dioica, Rubus sp, Tussilago farfara ; et même 5°) des ligneux des zones alluviales comme Populus nigra et Populus alba, espèces qui ne sont pas présentes sur les ouvrages purement végétaux en raison de la prédominance des saules. 
Par ailleurs, sur les ouvrages mixtes avec enrochement de pied, la présence en haut de berge de ligneux à feuilles caduques permet la création d’une litière entre les enrochements et favorise la colonisation végétale par rapport aux berges constituées uniquement d’enrochements, où la création d’un substrat colonisable par les végétaux supérieur est beaucoup plus lente. 
Enfin, les épisodes de sédimentation ont pour conséquence de combler les interstices entre les blocs et ainsi permettre la création d’un substrat limoneux propice à la colonisation par les espèces hélophytiques. 
 
 
6.2.2.3.  Analyse comparative de la diversité floristique entre les techniques issues du génie végétal et les berges naturelles.
 
Fig. 7 - Histogramme du nombre moyen d’espèces végétales relativement au type de berge.Les résultats présentés ci-après retranscrivent le nombre moyen d’espèces végétales rencontré sur les aménagements issus du génie végétal et celui des berges naturelles (fig. 7). On observe un différentiel faible et non significatif entre ces deux moyennes, 24,7 espèces en moyenne pour les berges issues du génie végétal et 26,1 pour les berges naturelles.
 
Ces résultats témoignent de la capacité des techniques de génie végétal et plus particulièrement des végétaux utilisés à s’implanter et à se développer facilitant également le recrutement de nouvelles espèces. Ce recrutement est essentiel pour l’aménagement, car il participe à son évolution et à sa complexification pour retrouver une composante dynamique propre aux écosystèmes naturels.
La faiblesse relative de la diversité végétale des berges naturelles observée ici s’explique par le type de berges échantillonnées. En effet, afin de se placer dans un contexte proche de celui du génie végétal, nous avons fait le choix de travailler sur des berges naturelles constituées de saulaies jeunes. Ces saulaies sont à un stade juvénile, et présentent donc une biodiversité relativement faible.