Recueil d'expériences techniques

6.3.1.  Les berges de cours d’eau sont fortement colonisées par les espèces exotiques envahissantes
 
Fig. 8 - Enrochement colonisé par la renouée du Japon (Reynoutria japonica) à St-Geoire-en-Valdaine sur l’Ainan (Isère - France).Outre les espèces inféodées aux milieux rivulaires, les berges de cours d’eau accueillent également les espèces opportunistes qui s’y installent et prolifèrent rapidement. L’augmentation de la fréquence des échanges anthropiques internationaux a permis le transport fortuit ou volontaire de nombreuses espèces à travers le monde. Certaines ont réussi à s’implanter dans ces nouveaux territoires, à s’y établir puis à proliférer, en provoquant des nuisances écologiques, économiques et sur la santé. Ces espèces sont appelées espèces exotiques envahissantes. Les scientifiques s’accordent actuellement à classer les invasions biologiques comme une des menaces majeures en terme d’érosion de la biodiversité locale (Thuiller 2007). Certains écosystèmes sont plus sensibles que d’autres à l’invasion. C’est le cas des milieux perturbés comme les milieux rivulaires. Les berges de cours d’eau, en raison des dynamiques sédimentaires et des travaux d’endiguement, sont ainsi particulièrement affectées par les invasions biologiques. De plus, le cours d’eau fonctionne comme un vecteur de propagation, entraînant des semences et des fragments de rhizomes, multipliant ainsi les foyers d’invasion.
 
 
6.3.2.  Résultats et discussion
 
Fig. 9 - Histogramme des fréquences moyennes d’espèces exotiques envahissantes par rapport au type d’aménagement.Sur les ouvrages de génie végétal, si des espèces exotiques envahissantes sont parfois présentes, aucune n’apparaît parmi les dix espèces les plus abondantes où l’on trouve principalement les saules et quelques graminées. Par contre, parmi les dix espèces les plus abondantes sur les enrochements, trois sont considérées comme exotiques envahissantes au moins potentiellement en France et en Suisse : Buddleja davidiiRobinia pseudoacacia et Parthenocissus inserta.
 
Le nombre d’espèces exotiques envahissantes recensées sur les différents types d’aménagements ne varie que très faiblement. On trouve entre 1,8 et 2,2 espèces exotiques envahissantes présentes en moyenne sur chaque type de berge aménagée. En revanche, il existe une différence significative entre les fréquences des espèces exotiques envahissantes (fig. 9). On constate ainsi que cette fréquence de rencontre est largement supérieure pour les aménagements issus du génie civil (42,5) que pour les aménagements issus du génie végétal (10) ainsi que pour les aménagement en enrochement de pied de berge et haut de berge végétalisé (11,3). La fréquence des espèces exotiques envahissantes sur les berges naturelles est sensiblement plus élevée (21,9). Ces résultats témoignent du fort potentiel invasif (capacité d’une espèce à dominer les communautés végétales du milieu) des plantes exotiques considérées. Ils rendent également compte de l’efficacité des techniques de génie végétal à permettre la colonisation rapide du milieu par les végétaux plantés.
 
La présence d’espèces végétales exotiques envahissantes est souvent reliée à l’intensité des activités humaines. Les ouvrages étudiés ayant tous nécessité la réalisation de travaux, on peut supposer qu’ils ont tous été soumis à des expositions aux propagules (graines, rhizomes, boutures, etc.) équivalentes, ce qui expliquerait que tous les types d’ouvrages hébergent un nombre moyen de plantes exotiques envahissantes équivalent. En revanche, cette étude montre que les espèces exotiques envahissantes sont plus fréquentes sur les ouvrages issus du génie civil (enrochements) que sur les autres types d’ouvrage. Ce résultat peut s’expliquer par deux mécanismes. Les plantes exotiques envahissantes recensées sont caractérisées par une forte croissance qui leur donne un avantage compétitif dans les milieux pionniers. Les plantes exotiques envahissantes observées sur les ouvrages issus du génie civil (dénué initialement de toute végétation) ont ainsi trouvé un terrain propice pour exprimer leur potentiel invasif. Il est également démontré que l’abondance relative de ces plantes peut être expliquée par les interactions biotiques, notamment par les interactions de compétition. La présence d’espèces compétitrices sur les ouvrages de génie végétal – telles que les espèces du genre Salix dont la dynamique de croissance est forte – limite la vigueur et la propagation des espèces exotiques envahissantes présentes. Dans le cas des berges aménagées par des techniques de génie végétal, il apparaît que la forte densité de boutures de saules limite le développement des espèces exotiques envahissantes.