Guide des espèces

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6.1. Des espèces herbacées à fort potentiel

Fig. 1 - Une stratégie écologique rudérale caractérisée par une forte capacité de colonisation : (a) production de rhizomes chez le tussilage (Tussilago farfara) ; (b) production de nombreuses graines trichométéochores chez l’épilobe à feuilles étroites (Epilobium angustifolium).Structurantes de mégaphorbiaies, de communautés alluviales (chap. III.2.) ou morainiques, de nombreuses espèces alpiennes sont potentiellement adaptées pour le génie végétal, bien qu’actuellement sous-exploitées dans ce domaine. De par leurs caractéristiques biologiques, écologiques et leurs aptitudes biotechniques, ces espèces répondent aux critères de choix présentés au chapitre III.3. Elles présentent en outre de nombreuses possibilités d’implantation et sont souvent faciles d’approvisionnement.
 
 
6.1.1. Des caractéristiques biologiques et une stratégie écologique adaptées
 
La plupart des espèces montagnardes et subalpines potentiellement utilisables en génie végétal présentent une stratégie écologique pionnière, rudérale ou rudérale‑compétitrice, marquée par une forte aptitude à la multiplication végétative (notamment de leurs rhizomes – fig. 1a) et la production de nombreuses diaspores trichométéochores par voie sexuée (akènes ou graines – fig. 1b).
 
Ces deux attributs leur procurent une forte aptitude à la dispersion et à la colonisation de nouveaux sites. Cette dispersion peut être assurée par deux vecteurs différents : l’eau, transportant de manière unidirectionnelle des fragments de rhizomes, éventuellement des graines ou des akènes, et le vent, assurant le transport non orienté des diaspores aériennes à des distances dépassant régulièrement 10 m et pouvant atteindre 100 m en secteur ouvert (Vittoz et Engler 2007).
 
L’anémochorie est la dispersion aérienne de diaspores (fruits ou graines).
 
La dispersion trichométéochore est un cas particulier d’anémochorie pour les fruits secs ou les graines munis d’une aigrette de soies (ou pappus) augmentant leur surface portante (fig. 1b). C’est par exemple le cas chez le tussilage dont un pied peut produire de 1 000 à 10 000 graines.
 
La barochorie est la dispersion de diaspores par la gravité.
 
6.1.2. Des aptitudes biotechniques particulières
 
Les espèces rudérales sont, en règle générale, caractérisées par une croissance rapide et, pour les espèces vivaces, la présence de rhizomes. Ces derniers, se multipliant de manière horizontale (développement plagiotrope), produisent ensuite des racines secondaires plus ou moins nombreuses selon les espèces, favorisant ainsi la stabilisation des horizons superficiels du sol en assurant la cohésion des matériaux. En surface, la couverture foliaire parfois très importante (atteignant deux à trois fois la surface de sol correspondante, soit 2 à 3 m2 pour 1 m2 de surface de sol) limite l’érosion des particules fines lors d’épisodes orageux ou de crues. De par sa densité, elle dissipe également l’énergie du courant et induit un effet de peigne favorisant le dépôt de particules fines ou de débris végétaux, facilitant indirectement l’implantation d’espèces végétales mésophiles à hygrophiles.
 
 
6.1.3. De nombreuses possibilités d’implantation
 
Si ces végétaux pionniers peuvent s’installer spontanément sur des terrains fraîchement remaniés (consécutivement à une crue, un glissement de terrain ou un aménagement), il peut être opportun, lors de la réalisation d’un ouvrage de génie végétal, de ne pas s’en remettre uniquement à l’aléa de la colonisation spontanée et de garantir une couverture végétale du sol immédiatement après travaux.
 
Au vu de la morphologie et de la stratégie écologique de ces espèces, la mise en place de fragments de rhizomes ou de mottes semble être particulièrement adaptée. Néanmoins, pour quelques espèces présentant des taux de germination élevés, l’utilisation de semences peut s’avérer opportune. Il est ainsi envisageable de disposer des inflorescences matures à la surface du sol et de les recouvrir d’une fine couche de paille, de terre, de sable ou d’un géotextile biodégradable (type treillis de coco). Le semis apparaît aussi incontournable pour certaines ombellifères et certains trèfles de petite taille. Dans la mesure où la plupart de ces espèces ne sont encore pas ou peu utilisées, les techniques d’implantation demeurent dans plusieurs cas à expérimenter.
 
 
6.1.4. Des facilités d’approvisionnement
 
Généralement répandus dans les Alpes et constituant souvent des populations importantes, ces taxons ne devraient pas poser de problèmes en terme d’approvisionnement. Celui-ci pourrait s’effectuer soit directement à partir de populations naturelles (collecte d’inflorescences, de fragments de rhizomes, division de touffes, etc.), soit à partir de pépinières spécialisées qui pourraient assurer leur multiplication (plants en mottes, semis, etc.).