Guide des espèces

Vous êtes ici

6.4. Les épilobes : des onagracées essentiellement rhizomateuses

Le genre Epilobium est constitué de nombreuses espèces pionnières croissant à l’état naturel dans les milieux rocheux régulièrement perturbés ou aux abords des cours d’eau (plusieurs autres espèces sont également présentes dans les champs et les secteurs rudéraux). 
 
Fig. 10 - Quatre espèces d’épilobes particulièrement adaptées pour le génie végétal en rivière de montagne : (a) épilobe à feuilles étroites (Epilobium angustifolium) ; (b) épilobe à feuilles de romarin (E. dodonaei) ; (c) épilobe de Fleischer (E. fleischeri) ; (d) épilobe hirsute (E. hirsutum).Parmi les espèces les plus répandues sur les alluvions et moraines du nord-ouest des Alpes, on compte l’épilobe à feuilles étroites (Epilobium angustifolium – fig. 10a), l’épilobe à feuilles de romarin (E. dodonaei – fig. 10b), l’épilobe de Fleischer (E. fleischeri – fig. 10c) et l’épilobe hirsute (E. hirsutum – fig. 10d). 
 
Si trois de ces espèces sont pourvues de longs rhizomes traçants (E. angustifolium, E. fleischeri, E. hirsutum), l’épilobe à feuilles de romarin forme des touffes denses. À titre d’exemple, le système souterrain de l’épilobe à feuilles étroites, composé d’un long rhizome profondément ancré dans le sol et associé à de nombreuses racines secondaires, peut atteindre 300 cm3 par pied (vol. syst. sout./aérien = 1,1). Les tiges, ascendantes à dressées, sont pourvues de nombreuses feuilles linéaires à lancéolées recouvrant totalement le sol dans leur situation optimale de développement. Elles présentent des floraisons tardives, généralement en juillet-août. Leur fructification produit de très nombreuses graines anémochores.
 
Fig. 11 - Mégaphorbiaie à épilobe à feuilles étroites sur éboulis grossiers (Epilobion angustifolii).Hormis pour l’épilobe de Fleischer, l’importante biomasse et la densité des tiges aériennes de ces espèces assurent un rôle de peigne efficace ; l’entrelacs de leurs rhizomes consolidant par ailleurs les couches superficielles du sol et en limitant l’érosion. De par leur morphologie et leur complémentarité écologique, ces quatre espèces présentent un large éventail de possibilités d’utilisation en génie végétal, depuis les situations thermophiles et xérophiles de l’étage collinéen jusqu’aux confins de l’étage alpin, à l’instar des pétasites avec lesquels elles pourraient être utilisées conjointement en milieu ou sommet de berge.
 
Aux étages montagnard et subalpin, l’épilobe à feuilles étroites offre un important potentiel sur tous types de matériaux. Bien connue des groupements herbacés acidophiles de coupes forestières (Epilobion angustifolii), cette espèce présente également un optimum de développement au sein des éboulis ou de cônes de déjections frais constitués de matériaux centimétriques à décimétriques (fig. 11). 
 
Fig. 12 - Communauté riveraine collinéenne xérophile à épilobe à feuilles de romarin (Epilobio-Scrophularietum).Typiques des communautés riveraines collinéennes xérophiles sur matériaux grossiers (Epilobio-Scrophularietum – fig. 12), des gravières et carrières abandonnées, ou encore des talus de bord de route, les grosses touffes solidement ancrées de l’épilobe à feuilles de romarin peuvent parfaitement convenir pour une implantation sur des substrats drainants (galets, graviers) à basse altitude (inférieure à 1 000 m). Des essais d’implantation par division de touffes mériteraient d’être entrepris.
 
L’épilobe de Fleischer présente un intérêt pour une utilisation à l’étage subalpin, voire alpin, sur des substrats comportant une fraction importante de matériaux fins, donc relativement bien pourvus en eau. Bien qu’il présente une faible biomasse aérienne en regard des deux espèces précédentes (effet de peigne réduit), sa stratégie écologique rudérale-compétitrice lui permet de constituer des tapis fournis stabilisant les horizons superficiels et limitant l’érosion de surface (fig. 13).
 
Fig. 13 - Communauté riveraine orophile à épilobe de Fleischer (Epilobietum fleischeri).À la différence des espèces précédentes, l’épilobe hirsute n’est pas une espèce saxicole. Toutefois, son comportement d’hélophyte en fait une espèce adaptée pour une utilisation en pied de berge sur des matériaux fins, bien pourvus en eau : par exemple, en situation d’intrados sur des secteurs à pente modérée du profil en long (inférieure à 2 %). Les mégaphorbiaies sur zones semi-perturbées eutrophes formées avec la reine des prés (Epilobio-Filipenduletum) témoignent de son dynamisme à faible altitude (moins de 1 000 m). Il est à ce titre déjà utilisé en situation planitiaire et collinéenne dans les fascines d’hélophytes.
 
La technique d’implantation la plus fiable semble être la plantation directe de rhizomes ou de mottes. Mis à part l’épilobe de Fleischer, plus rare en pépinière, les autres espèces mentionnées ci-dessus sont disponibles dans le commerce sous forme de graines ou de plants en motte. Pour les espèces rhizomateuses, il est également possible de prélever des boutures à partir de populations naturelles, garantissant ainsi l’utilisation de souches locales.
 
Pour l’ensemble de ces espèces, la pose d’inflorescences sur le sol, recouvertes d’une fine couche de paille, de terre, de sables ou d’un treillis de coco, semble être une technique adéquate. Elle mériterait d’être expérimentée pour les espèces les plus faciles d’approvisionnement comme l’épilobe à feuilles étroites ou l’épilobe hirsute qui constituent des populations parfois importantes de plusieurs milliers de tiges.