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2. Modèles naturels

Fig. 2 - Fourré de saule fétide (Salix foetida) et de saule bleuâtre (S. caesia) à l’étage subalpin.Fig. 1 - Pelouse alluviale dense structurée par la canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa) et l’anthyllide vulnéraire (Anthyllis vulneraria) assurant une protection de surface.Un des principes de base du génie végétal est de s’appuyer sur l’observation de modèles naturels. Ces modèles correspondent à des écosystèmes ou à des complexes d’écosystèmes riverains ou alluviaux, et peuvent se concevoir à différentes échelles.
 
À l’échelle stationnelle, le modèle peut correspondre à la composition botanique d’une biocénose, susceptible d’inspirer la composition d’un mélange grainier (fig. 1), ou à sa structure, dont la résistance face aux perturbations peut suggérer un agencement végétal efficace pour la protection contre l’érosion (fig. 2).
 
Fig. 3 - Zonation transversale de la végétation composée de structures herbacée, buissonnante et arbustive, particulièrement pertinente pour une application en génie végétal.À l’échelle d’un complexe d’écosystème, le modèle naturel peut se concevoir transversalement ou longitudinalement par rapport au cours d’eau :
en considérant les associations végétales se juxtaposant latéralement par rapport au lit mineur et susceptibles de se substituer les unes aux autres (fig. 3) ;
en considérant les associations végétales de même structure se succédant longitudinalement au fil de l’eau, depuis la source jusqu’à l’embouchure (chap. III.2.1.2).
 
Dans les Alpes du Nord, la description de modèles alluviaux et riverains a surtout été l’œuvre d’auteurs suisses, notamment de botanistes phytosociologues, les auteurs français, à l’initiative de Pautou, s’étant surtout consacrés à la description des communautés planitiaires des grands cours d’eau alpins.
 
Un des travaux descriptifs de base des communautés alluviales montagnardes est celui de Moor (1958). Outre ses qualités diagnostiques faisant référence pour l’identification des unités végétales, ce travail présente les liens spatiaux les unissant. Le second travail d’ampleur, conduit plus récemment sur l’ensemble des zones alluviales de Suisse, est celui de Roulier (1998). Dans une approche légèrement différente (phytosociologie synusiale intégrée), Roulier identifie un grand nombre de synusies, zonations et successions végétales de l’étage collinéen aux confins de l’étage subalpin.
 
Biocénose : ensemble des êtres vivants coexistant dans un espace défini (biotope).
 
Succession végétale : chronoséquence de groupements végétaux aux structures différentes se substituant spontanément les uns aux autres en l’absence de perturbation (succession autogène), se rapprochant du climax (succession progressive) ou s’en éloignant (succession régressive). Le terme de la succession végétale ou climax est déterminé par le climat de la station (climax climatique) ou des conditions édaphiques particulières (climax stationnel).
 
Zonation : structuration écologique transversale des groupements végétaux sur les rives d’un cours d’eau. La zonation n’implique pas nécessairement une succession temporelle entre les unités constituantes.
 
Synusie végétale : ensemble d’espèces végétales présentant une morphologie, une phénologie et une stratégie adaptative similaires (Gillet et al. 1991, modifié).
 
Si elles offrent des modèles privilégiés, les communautés alluviales naturelles ne constituent toutefois pas les seuls écosystèmes de référence dont peut s’inspirer le génie végétal. Dans de nombreux cas, l’implantation des végétaux est en effet réalisée sur des berges non soumises à l’influence alluviale. Le substrat, dont la mise en place n’est pas nécessairement issue d’un transport par l’eau, peut être déconnecté de la nappe et parfois particulièrement sec. Ainsi, les communautés herbacées et arbustives pionnières mésophiles à xérophiles sont aussi largement susceptibles d’inspirer le choix des végétaux à insérer dans les plantations ou les mélanges grainiers d’un aménagement. Dans ces quelques pages, la présentation sera néanmoins ciblée sur les groupements végétaux riverains, leur zonation et succession, à la lumière des travaux de Moor (op. cit.), Zoller (1974), Roulier (op. cit.), Bidat (2009), Sartoretti (2009) et Prunier et al. (2010).