Guide des espèces

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6.2. Pétasites, tussilage et adénostyles : des composées à larges feuilles

6.2.1. Les pétasites (Petasites spp.)
 
Fig. 2 - Trois espèces de pétasites indigènes adaptées pour le génie végétal en rivière de montagne : (a) pétasite blanc (Petasites albus) ; (b) pétasite hybride (P. hybridus) ; (c) pétasite paradoxal (P. paradoxus).Les pétasites sont des espèces montagnardes à subalpines à floraison précoce précédant l’apparition de leurs feuilles (fig. 2). Les panicules contractées de capitules blancs à rosés sont parfois visibles dès fin février jusqu’en mai. Ils sont pourvus de longs rhizomes traçants et de feuilles ovales à cordiformes de grande taille (souvent plus de 20 cm, voire jusqu’à 100 cm de diamètre pour P. hybridus). Dans les situations optimales de développement, elles recouvrent ainsi totalement le sol (fig. 3).
 
Les pétasites colonisent les substrats régulièrement perturbés, que ce soit en situation forestière de demi-ombre sur des sols frais à texture variable (cas de P.  albus typique de l’Arunco-Petasition – fig. 3a), en situation de pleine lumière sur matériaux carbonatés filtrants de faible diamètre (cas de P. paradoxus typique du Petasition paradoxi – fig. 3b) ou en situation riveraine, le plus souvent de demi-ombre, sur sols régulièrement alimentés par la nappe (cas de P. hybridus typique du Petasition officinalis – fig. 4).
 
Fig. 3 - Situation de deux espèces de pétasites en bordure de cours d’eau de montagne sur substrat frais : (a) P. albus ; (b) P. paradoxus.Leur caractère pionnier, associé à une forte aptitude à la multiplication végétative, offre un potentiel important en termes d’utilisation en pied de berge de torrents, notamment au sein de fascines d’hélophytes (même si leur appareil aérien disparaît en période hivernale). La complémentarité des trois espèces induit un large éventail de possibilités quant à leur utilisation dans les situations montagnardes et subalpines. Leurs exigences hydriques imposent toutefois de les utiliser sur des substrats frais (P. albus et P. paradoxus – fig. 3), voire bien alimentés en eau (P. hybridus – fig. 4). Cette condition peut être un atout, car elle permet une utilisation dans les vallées encaissées et les situations confinées.
 
En ce qui concerne les performances de croissance du système souterrain, c’est le pétasite paradoxal qui semble avoir le meilleur rendement avec un volume souterrain pouvant atteindre 160 cm3 par pied pour 40 cm de profondeur (vol. syst. sout./aérien = 1,4). Pour comparaison, le système souterrain d’un pied de pétasite blanc peut atteindre 100 cm3 (vol. syst. sout./aérien = 1).
 
Fig. 4 - Situation typique de Petasites hybridus en pied de berge (Petasition officinalis).Le taux de germination des pétasites semble inconstant en milieu naturel, bien qu’il puisse atteindre 80 % en pépinière pour le pétasite paradoxal (Schiechtl 1973). Le bouturage de rhizomes (fragments d’environ 10 cm implantés à la surface du sol) offre des résultats plus constants avec des taux de reprise compris entre 65 et 100 % selon les périodes de plantation (de meilleurs résultats sont obtenus avant la reprise de la végétation).
Les pétasites blanc et hybride sont difficilement disponibles dans le commerce sous forme de graines ou de plants en pots. Pouvant former localement de vastes populations aux abords des rivières de montagne, l’implantation de fragments de rhizomes issus de populations naturelles devrait être privilégiée afin de garantir l’utilisation de souches locales.
 
Enfin, si le pétasite paradoxal atteint des altitudes très basses dans l’est des Alpes (par exemple 200 m dans le Frioul et en Slovénie), ce n’est pas le cas dans la partie occidentale du massif. À basse altitude, les pétasites peuvent être remplacés par le tussilage qui se substitue à ces espèces en situation naturelle et présente la même stratégie écologique et les mêmes aptitudes biotechniques.
 
 
Fig. 5 - Tussilage (Tussilago farfara) : (a) floraison printanière avant feuillaison ; (b) appareil végétatif.6.2.2. Le tussilage (Tussilago farfara)
 
Comme pour les pétasites, la floraison du tussilage a lieu tôt au printemps (de février à avril), avant l’apparition des feuilles (fig. 5a). Le tussilage présente une morphologie foliaire proche de celle des pétasites, mais s’en différencie par des dents de second ordre plus courtes (fig. 5b – elles sont plus aiguës et allongées chez les pétasites).
 
D’un point de vue écologique, le tussilage présente une amplitude plus importante que les pétasites puisqu’il croît au sein des éboulis, alluvions ou glissements de terrain de 200 à 2 000 m (fig. 6), ainsi que dans des situations secondaires sur matériaux fins susceptibles de s’assécher (Poo-Tussilaginetum), notamment sur des remblais ou des terrains décapés.
 
Fig. 6 - Situation typique du tussilage sur loupe de glissement (Poo-Tussilaginetum).Sa forte aptitude à la multiplication végétative (taux de reprise proche de 100 % au bouturage de rhizomes), sa forte capacité d’établissement (couverture rapide du sol grâce à ses rhizomes traçants) et sa résistance à l’ensevelissement lui confèrent des potentialités identiques à celles des pétasites. Le tussilage montre toutefois des performances en termes de production de biomasse souterraine inférieures à celles des pétasites (volume souterrain pouvant atteindre 30 cm3 par pied ; vol. syst. sout./aérien = 0,8). Complémentaire à ces derniers, il pourra être utilisé dans des situations de plus basses altitudes. Le tussilage est disponible dans certaines pépinières spécialisées sous forme de graines ou de plants en motte.
 
 
6.2.3. Les adénostyles (Adenostyles spp.)
 
Les adénostyles sont reconnaissables à leurs grandes feuilles cordiformes irrégulièrement et simplement dentées, à la différence de celles des pétasites. Ils présentent des touffes peu imposantes, mais solidement ancrées par un pivot allongé muni de nombreuses racines secondaires (système souterrain pouvant atteindre 20 cm3 par pied ; vol. syst. sout./aérien = 0,9 chez A. alpina). À la différence des pétasites, ils développent des panicules corymbiformes de capitules roses à floraison estivale. 
 
Fig. 7 - Adénostyle à feuilles d’alliaire (Adenostyles alliariae) : (a) port et taille pouvant atteindre 2 m ; (b) situation typique au sein d’une mégaphorbiaie subalpine (Cicerbitetum alpinae).Trois espèces aux écologies complémentaires sont recensées dans les Alpes. L’adénostyle à feuilles d’alliaire (A. alliariae) est l’espèce la plus connue (fig. 7a). Elle présente un optimum de développement au sein de mégaphorbiaies subalpines (Adenostylion alliariae), ainsi que dans les forêts de conifères ou de feuillus fraîches aux étages montagnard supérieur et subalpin (fig. 7b).
 
L’adénostyle glabre (A. alpina) est une espèce pionnière des éboulis calcaires grossiers frais (Arabidion alpinae – fig. 8), qui tolère l’ombre et persiste durablement sous couvert forestier de hêtraies sur éboulis (Adenostylo-Fagetum) ou d’érablaies fraîches de ravins (Lunario-Acerion). L’adénostyle à feuilles blanches (A. leucophylla) est une espèce pionnière des éboulis silicatés alpins (Androsacion alpinae). 
 
La complémentarité écologique de ces trois espèces offre, à l’instar de celle des pétasites, un large éventail de possibilités quant à leur utilisation dans les situations subalpines, voire alpines pour A. leucophylla. Le caractère rudéral et saxicole des adénostyles glabre et à feuilles blanches permettent une utilisation en milieu ou sommet de berge sur des matériaux bruts drainants carbonatés (A. glabra) ou silicatés (A. leucophylla). Inversement, la stratégie écologique compétitrice de A. alliariae, marquée par des exigences hydriques et trophiques plus élevées, requiert une utilisation sur des substrats fins, frais, si possible pourvus d’une fraction de matière organique. La tolérance à l’ombre de A. alliariae et de A. alpina rend possible une utilisation dans des situations confinées.
 
Fig. 8 - Situation typique de l’adénostyle glabre (Adenostyles alpina) au sein d’un éboulis calcaire frais (Arabidion alpinae).Bien qu’il soit envisageable de réaliser des boutures de racines (taux de reprise assez élevé en pépinière), la faible taille et le caractère très ancré du pivot (développement oblique à vertical) limitent fortement les possibilités de prélèvements in situ, mis à part pour A. alliariae dont les populations peuvent être importantes (plusieurs centaines de tiges fleuries). L’utilisation de plants en motte (dans une fascine d’hélophytes, par exemple) ou de graines devra donc être privilégiée, ces trois espèces étant disponibles dans certaines pépinières spécialisées (attention toutefois à l’origine des plants compte tenu de la présence de nombreux cultivars ornementaux).